CGT SPECTACLE : CONTINUER LA BATAILLE PORTEE PAR LES LIEUX OCCUPES

Face à un gouvernement refusant d’entendre nos alertes sur la situation de nos professions, nos actions se sont durcies dès le début d’année 2021. Les occupations se sont généralisées à partir de celle de l’Odéon le 4 mars.
Le Premier Ministre a tenté de nous endormir le 11 mars mais il a fallu tenir jusqu’au Conseil National des Professions du Spectacle réuni le 11 mai pour entendre quelques annonces significatives et pourtant insuffisantes ! Le CNPS ayant pour objet le spectacle, les seules annonces ont concerné les professions du spectacle mais la bataille pour l’assurance chômage s’est poursuivie tout au long de ces semaines.

LES REVENDICATIONS DE NOTRE MOUVEMENT UNITAIRE

  • Un plan de reprise pour l’emploi, qui ne se limite pas dans le spectacle à la réouverture extrêmement partielle du 19 mai, plan qui doit constituer une politique culturelle alternative palliant toutes les annulations et limitations ;
  • La garantie de tous les droits sociaux en particulier le soutien aux organismes sociaux du spectacle ;
  • La garantie d’accès aux congés maternité et maladie ; 
  • La prolongation et l’ouverture de droits à l’assurance chômage aussi bien pour les artistes et technicien·ne·s intermittent·e·s du spectacle, sans oublier les entrant·e·s, que pour toutes les professions, notamment celles empêchées de travailler ;
  • L’annulation de la réforme assurance chômage ;
  • La prise en compte des revendications des jeunes ;
  • Un plan de soutien pour les artistes autrices et auteurs.

OÙ EN SOMMES-NOUS ?

1.    Plan pour l’emploi : largement insuffisant pour permettre à toutes et tous de retravailler
Les ministres ont annoncé 30 millions € à flécher entre quatre dispositifs :

  • GIP Café Culture élargi à des lieux alternatifs (10 m €) ;
  • Soutien à l’emploi dans les salles à petites jauges (6,5 m€), aide existant déjà au Fonpeps en dessous de 300 places, élargie jusqu’à 600 places pour des plateaux artistiques de plus de 6 artistes ;
  • Soutien via le GUSO (10 m€) : un crédit aux employeur·euse·s ayant eu recours au GUSO, pour l’instant pas opérationnel… ;
  • Aide aux répétitions et résidences de création.

Au-delà des difficultés opérationnelles de la mise en œuvre de ces mesures, le montant est bien faible : 30 m€, cela signifie 2 à 3 cachets ou jours de travail en moyenne par intermittent·e … Pour mémoire plus de 500 m€ de salaires ont été perdus entre 2019 et 2020, et non couverts par l’activité partielle. L’année 2021 a commencé par 5 mois sans spectacle, auxquels vont se succéder des mois de reprise très dégradée, sans compter les embouteillages de programmation à la prochaine saison, en raison de tous les reports (aussi bien dans le spectacle vivant que dans le cinéma).

C’est pourquoi nous revendiquons un plan de politique culturelle qui constitue également ce plan pour l’emploi. 500 m€ d’investissements publics, entre Etat et collectivités territoriales, permettraient de proposer des nouveaux spectacles, sous chapiteaux, en plein air, dans tous les quartiers populaires et avec leurs habitant·e·s.
A la veille de la réouverture partielle du 19 mai, la ministre de la culture a annoncé 148 millions € d’aides supplémentaires … aux entreprises du secteur, sans garantie d’emploi pour les salarié·e·s concerné·e·s, notamment intermittent·e·s du spectacle.

2.    Mesures pour les jeunes : de la com qui ne répond pas à l’attente des étudiant·e·s en lutte
Les ministres ont annoncé 40 m€ pour les jeunes :

  • 18 m€ pour financer une allocation de 6 mois pour les moins de 30 ans ayant réuni entre 338 et 506 heures, donc en-dessous du seuil d’ouverture de droits à l’assurance chômage. Nous avions demandé une indemnisation pour un an à partir de 250h effectuées. De plus cette allocation est limitée scandaleusement aux moins de 30 ans n’ayant jamais ouvert de droits dans le régime des intermittent·e·s du spectacle, ce qui exclut un·e jeune ayant une entrée chaotique, comme souvent. Cela exclut par nature des professionnel·le·s ayant connu un accident de carrière au-delà de 30 ans.
  • 22 m€ en emplois aidés : le gouvernement a supprimé les emplois aidés en 2017 et les rétablit sous forme amoindrie, ce sont les PEC (parcours emplois compétence) et CIE (contrat initiative emploi). Comme toutes les entreprises, celles de nos secteurs ont déjà accès à ces aides, qui concernent des emplois supérieurs à 6 mois : aucun·e jeune artiste ou technicien·ne intermittent·e du spectacle, en lutte ou pas, ne sera concerné·e par ce dispositif, déjà en place. Cette annonce n’est donc pas nouvelle et elle n’aura pas d’impact : de la pure communication creuse !

3.    Aucune réponse pour les caisses sociales du spectacle
Nous portons depuis des mois la nécessité de soutenir les organismes sociaux de nos secteurs, dont le financement est assuré par une collecte assise sur la masse salariale. Celle-ci étant en chute, le Centre Médical de la Bourse (médecine du travail) est menacé, tandis que les Congés Spectacle sont en danger, et que la protection complémentaire portée par Audiens est également menacée. Aucun soutien n’a été annoncé ! Seuls les dispositifs de l’AFDAS avaient été abondés en fin d’année 2020 pour assurer la formation continue des intermittent-e-s du spectacle et des autrices et auteurs.

4.    Accès aux indemnités maternité et maladie : des annonces positives à surveiller, mais des inégalités dans la mise en œuvre

Depuis des mois, le collectif des Matermittentes, nos syndicats CGT puis les lieux occupés alertent sur les refus par la sécurité sociale (CPAM) d’accès aux indemnités maternité et maladie, pour cause de nombre insuffisant d’heures de travail. Un pur scandale : ce sont les interdictions de travailler qui empêchent de faire valoir les droits, et permet même à la Sécu de faire des économies sur le dos des femmes et des hommes concernés !
Le gouvernement annonce enfin un décret pour cet été (nous l’attendons toujours) modifiant la règle de maintien de droits : dans l’avenir, quel que soit le nombre d’heures effectué en dessous du seuil (150 par trimestre ou 600 sur un an), la sécurité sociale recherchera la condition d’affiliation douze mois en arrière. Cette condition doit être appliquée de façon rétroactive jusqu’au 1er juin 2020, pour revoir tous les dossiers refusés, à condition que l’assuré·e demande de faire réexaminer son dossier. Attention : le site Ameli.fr a enfin mis à jour cette information, mais aucun texte officiel n’est paru. Soyons vigilant-e-s : il va falloir se battre pour faire recalculer les droits.
La rétroactivité n’est applicable que pour les intermittent·e·s du spectacle, ce qui est inégalitaire : nous continuons de l’exiger pour l’ensemble des professions. Une saisonnière, une intérimaire, une employée en extra de l’hôtellerie a autant le droit à un congé maternité qu’une artiste !

5.    Suite du rapport Gauron : une couverture imparfaite pour la majorité des intermittent·e·s du spectacle mais de graves dangers dans le cadre de la réforme de l’assurance chômage
Les ministres avaient commandé un rapport à André Gauron sur les suites de « l’année blanche » pour les seuls ressortissants des annexes 8 et 10. Lors du CNPS, l’option retenue consiste en une prolongation de 4 mois, jusqu’au 31 décembre 2021, puis des mesures d’accompagnement pour ouvrir des droits jusqu’en fin 2022, pour celles et ceux qui n’auraient pas atteint les 507 heures à cette date. Ces mesures doivent être précisées et officialisées dans une ordonnance, qui a valeur législative.

  • La date anniversaire est reportée pour toutes et tous au 31 décembre 2021 ;
  • À cette date, celles et ceux qui « auront leurs heures » normalement entreront dans le circuit normal (avec date anniversaire suivante calée au dernier contrat effectué avant le 31 décembre 2021) ;
  • Pour les autres, beaucoup de questions restent en suspens : que se passe-t-il pour celles et ceux qui ont moins d’heures que d’habitude par exemple ? La recherche d’heures permet de remonter toutes les heures « non utilisées » depuis la précédente ouverture de droits ;
  • Mais certain·e·s ne sont même pas dans ce cas : Pôle Emploi va examiner plusieurs solutions, d’abord ARE, puis ARE régime général, puis clause de rattrapage, puis APS ;
  • Celles et ceux qui ont 338 h : la clause de rattrapage permet de maintenir pendant 6 mois le même niveau d’indemnisation. Les conditions d’ancienneté (5 ans dans le régime) et de non-réutilisation (pas plus qu’une fois tous les 5 ans) devraient provisoirement être suspendues ;
  • APS : l’allocation professionnelle de solidarité est une allocation subsidiaire financée par l’Etat, subsistance des mesures de 2004. L’APS permet d’ouvrir des droits, en remontant à des heures ayant déjà servi dans un précédent calcul. Elle ne concernait plus qu’une cinquantaine de personnes, ce sera le plus gros filet de rattrapage à venir ;
  • Les jeunes moins de 30 ans : au 1er septembre, une allocation de 6 mois serait versée à condition de faire valoir au moins 338 heures. Nous demandions un seuil à 250 heures.

Nous attendons de voir le décret pour nous assurer que tout le monde sera indemnisé, mais nous savons que 35% des intermittent·e·s verront leurs allocations baisser, celles et ceux qui ont le plus été empêchés de travailler. Nous continuons d’interpeler les ministères du Travail et de la Culture, qui ne semblent pas pressés d’agir pour la publication des textes et de répondre à toutes les questions induites par le choix de la solution la plus alambiquée.  Une seule solution : obtenons la prolongation d’un an après la fin de toutes les restrictions à travailler !

6.    Un sursis pour les intermittent·e·s … et la mort annoncée de l’assurance chômage et de la solidarité interprofessionnelle

La ministre du Travail l’a annoncé : malgré les insuffisances des mesures pour garantir le niveau d’indemnisation des intermittent·e·s du spectacle, elle ne veut pas faire plus par « équité avec les autres chômeur·euse·s » … en raison même de la réforme de l’assurance chômage qu’elle a préparée pour le 1er juillet ! Les saisonnier·ère·s, intérimaires, intermittent·e·s de l’emploi de toutes sortes, seraient les victimes de cette réforme violente, qui leur fera perdre tout ou partie des allocations.
La ministre a surtout dit qu’il est « normal » de financer les annexes 8 et 10 sur « la solidarité nationale » et non « sur la solidarité interprofessionnelle » car le régime des intermittent·e·s est « une subvention culturelle ». C’est la première fois qu’une ministre du travail reprend mot pour mot la position du MEDEF, et cela sans être démentie par la ministre de la culture.
En clair, nous avons eu raison de dénoncer depuis le début du mouvement une réforme qui détruit l’assurance chômage : d’une part en changeant la nature de l’indemnisation des travailleur·euse·s à emploi discontinu, d’autre part en agitant la menace de la caisse autonome à la charge du ministère de la culture.
Depuis le départ du mouvement, nous subissons des pressions pour dissocier le sort des intermittent·e·s du spectacle de celui des ressortissant·e·s du régime général d’assurance chômage, en particulier des intérimaires et intermittent·e·s hors spectacle. Nous sommes pourtant bien sous la même menace, alors que nous revendiquons une protection sociale pour toutes et tous !

7.    Un sursis grâce à notre action devant le Conseil d’Etat : suspension de la réforme de l’assurance chômage applicable initialement au 1er juillet
La plupart des confédérations syndicales a saisi le Conseil d’Etat en référé suspension et au fond. La CGT a beaucoup travaillé en s’appuyant sur les analyses de Mathieu Grégoire ou de l’Unedic pour démontrer l’iniquité et l’absurdité de la réforme. Cette réforme aurait des conséquences désastreuses pour 1,7 million de travailleur·euse·s généralement précaires alternant des CDD et des périodes de chômage.
Le jugement en référé du 22 juin a apporté un sursis à 1,15 million de précaires dont le calcul de l’allocation aurait dû baisser à partir du 1er juillet 2021. Nul doute que la médiatisation par les actions coordonnées des vendredis de la colère à partir des lieux occupés a permis de faire perdre la bataille de l’opinion au gouvernement et a influé sur la décision. La suspension bénéficie à nos collègues extra hôtelier·ère·s, guides conférencier·ère·s, etc. Sont par exemple concerné·e·s sur les festivals de nombreux·euse·s salarié·e·s en CDD à l’accueil, à la sécurité, à la billetterie, au catering, au nettoyage : comme dans les théâtres, elles et ils sont tout autant indispensables au travail artistique que les professionnel·le·s du spectacle.
Ce sursis peut n’être que de courte durée en attendant le jugement au fond par le Conseil d’Etat : la ministre du Travail prétend que le jugement ne remet pas en cause sur le fond (c’est le principe d’un référé suspension) et qu’elle fera évoluer le décret « très rapidement ». Soyons prêt·e·s !

8.    Autrices et auteurs : les oublié-e-s du CNPS du 11 mai
Les autrices et les auteurs n’ont pas été mentionnés lors du CNPS. Et pourtant malgré quelques mesures sociales, elles et ils sont les plus oublié·e·s des mesures gouvernementales. Notons tout de même une baisse du seuil d’accès aux indemnités de sécurité sociale de 900 à 600 équivalents du SMIC horaire. Nous demandons une baisse pérenne de ce seuil !
L’insuffisance des aides pour beaucoup d’autrices et d’auteurs montre le besoin de construire une protection sociale beaucoup moins trouée !

9.    Et la ministre de la culture dans tout cela ?
Mme Bachelot nous a rendu visite le 6 mars à l’Odéon et ensuite ? Mis à part l’épisode Covid dont on souhaite qu’elle soit complètement rétablie, nous constatons que la grande écoute dont elle a prétendu nous gratifier ne s’est traduite par aucune mesure suffisante pour « ne laisser personne sur le bord du chemin » ! Plus que jamais, les décisions sont prises ailleurs qu’au ministère de la culture et la culture n’est pas une priorité pour ce gouvernement, encore celles et ceux qui la font au quotidien malgré la précarité de leur situation.

10.    Face aux attaques, des propositions : plan pour l’emploi et droits attachés à la personne
Les semaines d’occupation ont non seulement donné lieu à un formidable foisonnement d’action, elles ont aussi permis de débattre de multiples propositions, de débats sur la nécessaire convergence des luttes. De ce bouillonnement émergent trois nécessités :

  • Jeunes ;
  • Lutte contre toutes les discriminations : femmes/hommes, LGBT, ou liées aux origines 
  • sociales ou liées à la diversité des origines ;
  • Droits attachés à la personne : NSTS …

11.    La poursuite des actions
Après les occupations, les actions se poursuivent lors des festivals d’été pour informer sur la situation de l’emploi et le besoin de garantie de tous les droits sociaux. Face aux manœuvres du gouvernement, et malgré l’éparpillement dû à la reprise même partielle, nous continuons d’organiser nos rencontres et nos actions communes cet été et à la rentrée…